Avec Esther

Esther resta silencieuse dans les bras de Stéphane à attendre que ses larmes s'arrêtent enfin de couler. Elle se détacha doucement de lui et essuya ses joues humides. L'Anglaise leva les yeux et le regarda.

"Bon on va pas rester l'après midi sur ce banc...Faut qu'on se bouge un peu !"

Elle lui fit un sourire bien qu'un peu forcé. Soudain, Esther s'approcha de lui et lui fit un petit baiser sur la joue pour le remercier de l'avoir consolée. Puis pour cacher sa gêne, elle le prit par le poignet et l'entraina vers le coin aux herbes folles qu'ils venaient de quitter.

"Allez viens ! On a pas fini de visiter le parc !"

L'Anglaise se retourna et lui fit un sourire. Elle appreciait vraiment la compagnie de Stéphane.

[Désolé d'avoir mis si longtemps à répondre...]

Stéphane suivit Esther, puisqu'elle le tenait, bien qu'il puisse se dégager facilement quand il le voulait. Il courait avec elle, un peu en retrait, pour ne pas qu'elle voie son sourire. Il était heureux d'être avec elle, quoiqu'il soit, un démon, et elle était même allée jusqu'à l'embrasser!
A cette pensée Stéphane sentit le rouge lui monter aux joues. Gêné, et gêné d'être gêné, il tenta de se calmer... C'était ridicule d'être autant ... émotif, après tout, il n'était pas une gamine ou un jeune crétin comme beaucoup de ceux qu'il avait tabassés durant son existence. Lui était guerrier, démon, - et certainement pas sensible comme ca...

Il continua d'avancer, espérant qu'elle n'ait rien remarqué de son état. Ca devenait ridicule.

Ils arrivèrent quelque part, et durent s'arrêter pour qu'Esther reprenne son souffle - elle était moins endurante que lui.
La voyant pantelante, il sourit, moqueur et la taquina:

"Alors, déjà crevée? Tu cours pas vite pourtant!"

Les mains posées sur les hanches et assez essouflée, Esther se retourna pour regarder Stéphane. Elle eut un sourire amusé en voyant les joues rouges de son camarade. Mais elle ne dit rien, pour ne pas le mettre plus mal à l'aise encore. Elle fit la moue quand il la taquina.

"Oui...bah excuse moi...Je cours pas tout les jours..."

Elle regarda tout autour d'elle. Ils avaient courru jusqu'à un coin encore plus reculé et sauvage que celui qu'ils venaient de quitter.

"C'est pas très frequenté ici...Au moins, le pion ne nous retrouveras pas vite."

Esther eut un petit rire et se laissa tomber dans l'herbe. Cette petite course l'avait vraiment crevée.

Stéphane regarda les environs avant qu'Esther ne s'effondre; c'était mal tenu, assez sauvage. Peut-être était-ce volontaire, puisque la zone ne manquerait pas de charme s'il avait plu un peu plus. En tout cas, le parc était grand, bien plus grand qu'il ne l'avait imaginé au départ.

Et le pion n'avait effectivement aucune chance de les retrouver - c'était finalement assez facile de leur fausser compagnie, à moins qu'ils aient suffisament confiance en nous. Ou bien ne pouvaient-ils quitter le parc sans lui tomber dessus...

Il s'assit à côté de la jeune anglaise allongée parmi les herbes. Stéphane ne savait pas vraiment quoi faire, et gêné, il arracha une des rares fleurs qui vivotaient ici, avant de triturer la tige nerveusement.

"On est bien ici" dit-il, souriant malgré tout. Phrase vide - mais il ne savait que dire, encore une fois.

Esther regarda avec une pointe d'amusement Stéphane en train de détriper la pauvre fleur. Elle secoua vaguement la tête et fixa droit devant elle. Le parc s'étendait à perte de vue, les fleurs aux couleurs criardes et trop bien alignées pour être naturelles agressaient le regard. La jeune anglaise s'allongea alors dans les herbes folles et cueilli une longue tige verte qu'elle commenca à mastiquer distraitement.

"C'est vrai qu'on est bien ici...Enfin, disons qu'on y est mieux qu'au pensionnat..."

Un sourire espiègle apparu sur son visage et Esther se redressa sur ses coudes pour pouvoir regarder Stéphane.

"Dit...Tu n'as jamais pensé à t'évader de cette prison toi ?"

Elle fit un peu la moue avant d'ajouter:

"Ca m'arrive souvent d'imaginer que j'arrive à me barrer mais comme je n'ai nulle part où aller...Je reste..."

Et puis il y avait Stéphane maintenant, elle n'allait tout de même pas partir en le laissant derrière elle.

"Bin ... au début j'y pensais" répondit-il difficilement; "puis ensuite je me suis dit aussi que je n'avais nulle part où aller, et rien à faire non plus... Et puis tu sais, les gens me fuient à cause de ma tare... donc si jamais j'arrivais à me casser d'ici, je recommencerais une vie comme la précédente: à passer le temps à taper les gens, à boire, et à recommencer."

Il se tut un temps, partagé entre l'envie de continuer et celle de se taire - par timidité? - puis il continua, toujours difficilement:

"Et, au début, cette vie-là, celle de mercenaire-fuyard-criminel-ivrogne, elle m'allait aussi bien que celle du pensionnat, où je n'ai rien à faire et où je m'ennuie... J'étais aussi seul dans les deux, et je me disait... que j'allais profiter du peu de temps laissé par l'anonymat de ma tare pour me reposer, puis repartir, parce qu'on m'aurait haï ici aussi... si on savait ce que je suis vraiment.
Mais ,en fait ... je t'ai rencontré... t'es bien la seule qui ne m'ait pas craint, ou haï, ou pris en pitié pour ma malédiction, et t'es la première, et ... et j'en suis content.
Et puis, y'a d'autres personnes ici, que j'aime bien; mais je suis sur que tout va disparaitre dès que ma malédiction sera montrée, donc je veux juste profiter du temps qu'il me reste...
Et je veux pas partir, avant que ma malédiction soit réveillée... parce que c'est la première fois que je peux faire semblant d'être normal."

Puis il s'aperçut qu'il parlait beaucoup, qu'il confiait beaucoup de choses; et gêné, se tut, et se laissa tomber au sol, regardant les cieux. Il s'en voulait un peu d'avoir dit tant de choses, mais Esther, en connaissant sa malédiction, avait la possibilité de briser sa vie en morceaux dès qu'elle le voulait; alors ca en plus, ca ne rajoute pas de grand danger...

"Désolé de te raconter ma vie" fit-il; "j't'aime bien, en fait..."

Maintenant, Stéphane se demandait, puisqu'il connaissait Esther, puisque c'était la première fois qu'il arrivait à toucher du doigt une vie comme ca, lorsque tout s'effondrera - car tout s'effondrera - voudra-t-il fuir, et abandonner tout cela? En aura-t-il le courage?
Et puis, personne ne voulait vraiment de lui... si Esther le laissait tomber, si en fin de compte elle se foutait de son existence, pourquoi continuerait-il à tenter de vivre? On le haïssait et on souhaitait sa mort dans bien des endroits, et lui n'aurait alors plus rien, plus aucune raison de rester.
Il n'y avait jamais pensé avant, puisqu'il n'avait jamais eu le temps, mais ici cela paraissait normal... il n'avait rien, rien d'autre qu'Esther... et ne voulait pas sombrer encore une fois dans une existence de fuite perpétuelle et de haine.
Si jamais cela arriverait, il ne s'enfuirait pas d'ici.
Mieux valait qu'il meure.

Toujours allongée sur le sol, Esther écoutait Stéphane en mastiquant son brin d'herbe. Elle était heureuse qu'il se confie à elle. Car elle le cotôyait depuis pas mal de temps maintenant et elle ne connaissait rien de lui. Si ce n'est qu'il se croyait "maudit" et qu'il avait été haï et craint partout où il avait sejourné.

Il s'arreta soudainement et l'anglaise se redressa sur les coudes. Elle le regarda en lui souriant:

"Non, ne t'excuses pas...Ca ne me derangeais pas..."

Esther marqua un temps d'arrêt puis lâcha:

"Moi aussi, je t'aime bien..."

Elle se rallongea au milieu des herbes folles et croise les bras derrière sa tête. Elle resta un instant siencieuse puis prit la parole.

"Tu sais...Je me suis dit que comme mon père m'avait envoyée dans le pensionnat qu'il s'en ficherait pas mal de savoir si j'y était ou non....Et puis maintenant, je n'ai plus trop envie de partir...La vie au pensionnat n'est pas si terrible que ça."

La jeune anglaise se releva subitement et se mit assise en tailleur. Esther fixa Stéphane et fit la moue.

"De toute façon...On partirais pas l'un sans l'autre pas vrai ?"

Un peu gênée par ce qu'elle venait de dire, l'anglaise se mit à rougir.

Stéphane rougit aussi à la dernière phrase d'Esther, restant un instant silencieux puis avouant:

"Moi je veux rester avec toi..." puis il rougit de plus belle. "Je pense que te rencontrer, c'est ce qui m'est arrivé de mieux depuis que je suis vivant... alors j'ai pas envie que tu partes sans moi..."

Il s'embrouillait, rougissait, et, honteux de rougir à ce qu'il disait, en rougissait encore. Affreusement confus, ne sachant plus trop quoi faire ni comment réagir, et s'en voulant de ne pas rester stoïque, il finit par détourner son visage de la vue d'Esther, gêné qu'elle le voie ainsi. Il resta un temps ainsi.

Il s'assit devant elle, la regarda droit dans les yeux, et tenta de dire quelque chose. Il marmonna des paroles incompréhensibles, ré-essaya, et honteux, abandonna encore une fois.

Puis Stéphane la prit dans ses bras et la serra contre lui.
"Merci" finit-il par murmurer, incapable de faire plus.


Et soudainement, il recula - il n'avait toujours pas effacé de son esprit la tache de la tare qui le hantait, et se maudit encore une fois pour ce qu'il venait de faire. Regardant en bas, il ne disait rien, n'espérant pas de réaction de la part de la jeune fille, ou espérant quelque chose malgré tout, se maudissant d'oublier qui il était, s'en voulant d'être allé aussi loin - elle l'appréciait, mais pas autant! - et ne regrettant pas son geste en même temps. Toutes ces pensées, ces sentiments contradictoires fusaient en lui et Stéphane se tenait assis, regardant le sol en signe de honte, rouge, pleurant presque, de rage, ou de tristesse, ou de dégout.

Esther fixait Stéphane bien que lui ne la regardait pas. Elle ne disait rien mais n'en pensait pas moins. Elle l'aimait bien elle aussi et elle ne voulait pas qu'il parte sans elle. Il était son seul veritable ami ici et l'anglaise tenait beaucoup à lui.

Elle commenca enfin une phrase lorsque le jeune homme la prit dans ses bras, la coupant dans son élan. Il lui balbutia un "Merci" et Esther sentit le rouge lui monter aux joues. La jeune fille commencait à peine à le serrer elle aussi dans ses bras qu'il mit fin à leur étreinte...Comme à chaque fois.

L'anglaise vit alors les larmes qui perlaient aux yeux de Stéphane et elle s'approcha doucement. Elle se mit à genoux devant lui et essuya les larmes d'un geste du pouce tout en murmurant:

"Ne pleure pas..."

Puis des pas precipités et un homme la tira violement en arrière si bien qu'elle s'étala lamentablement sur le sol. Esther se redressa, prête à hurler contre cet imbécile, quand elle comprit que celui qui venait de la faire tomber n'était autre que le pion.

"Hé ben...J'en ai eu du mal de vous retrouver...Allez debout ! On rentre !"

Esther lui lanca un regard assassin avant de se relever de mauvaise grace. Qu'est-ce qu'elle les detestait les pions de ce stupide pensionnat ! Elle s'avanca vers Stephane et lui tendit la main pour l'aider à se relever.

"Je crois que notre journée de repos est terminée..."

Le pion fronca les sourcils et fixa Esther.

"Qu'est-ce que tu dit la mioche ? Et une fois au pensionnat, c'est direction la salle d'étude ! Vous allez voir ce qu'il en coûte de semer un surveillant !"

L'anglaise fit un petit sourire désolé à Stéphane. C'était son idée de semer le pion, il n'avait pas à en subir les conséquences mais elle était sûre que cet idiot de pion ne voudrait rien entendre. Enfin...Ils avaient tout de même passé une bonne après midi.

[C'est une jolie fin ... on arrête (quitte à recommencer un post plus tard) ou on continue autrepart?]

[EDIT: suite ici! ]