Quand les souvenirs vous collent à la peau...

Elle allait être maman…Elle, la plus grande salope de tout les temps, la traînée du quartier qu’on respectait pourtant car l’on savait pertinemment qu’elle régnait en maîtresse absolue. Jusqu’à son surnom était d’une absurdité absolue…Suki ou un des façon de dire « je t’aime » dans sa langue natale. Pourtant, elle était bien loin d’être l’amour, avant lui.

A son souvenir, la jeune asiatique sourit doucement, elle n’avait plus aucune rancœur à son égard, le temps inexorable avait su l’effacer et puis peut-être son instinct maternel se réveillait-il ? Sa haine elle-même, celle qu’elle jetait avec véhémence à la face du monde sans jamais s’en lasser était devenue évanescente. Rine avait bien changer il fallait l’avouer, de la fouteuse de merde détestable, elle était passé à un degrés plus mature, peut-être plus dangereux pour les autres elle n’en savait rien.

Désormais, elle était une jeune femme capable de prendre des décisions, de prendre soin d’elle-même et de faire subir les pires horreurs à ses congénères, mais elle ne ferait cela qu’à une seule condition, qu’on la cherche et que le jeu en vaille la chandelle. Elle n’était plus seule à présent, Aï était ici, et d’ici quatre mois, elle serait mère de deux adorables petits êtres de chair de sang…

*Je serais à la hauteur… On s’en sortira tout les trois, même sans papa…*

Songea-t-elle doucement en passant un main sur son ventre rebondie qui d’ailleurs avait étiré sans aucune élégance le tatouage qu’elle portait tout en bas de son ventre, tant pis, elle le referais plus tard. Silencieuse, la jeune femme ouvrit la porte du quartier des élèves comme elle l’avait fait jadis. Il devait être environ 23H00 et elle ne parvenait pas à trouver le sommeil.

La lune était pleine et elle déversait sa lumière mystérieuse dans la pièce grâce aux quelques fenêtres qui se trouvaient là. Vêtue d’un simple short moulant noire et d’un long et large tee shirt de la même couleur, de manière à ne pas trop serrer son ventre, la demoiselle s’avança vers l’une des fenêtres, posant ses prunelles dorées sur la cour, serrant un peu plus l’étreinte de ses doigt une veste d’homme de couleur sombre.

Des souvenirs venaient se projeter contre son cœur, elle revoyait Quentin, assis sur ce fauteuil, la dévisageant froidement, elle revoyait sa blessure au visage, l’instant où lasse d’être enfermée elle avait simplement sauté par la fenêtre et il l’avait suivit puis lui avait dit ces quelques mots : « Je te connais suffisamment tu sais...je n'ai pas besoin de connaître ton passé...ton age...tes origines...ce qui m'intéresse le plus c'est la personne que tu es...c'est tout... ». Allez savoir pourquoi elle en avait été marqué, elle n’avait jamais oublié...

*Tu sais ? J’ai plus peur de dire ce que je ressens, je suis plus enfermé « dans mon voile à la c*n » mi amor…*

C’est alors que des bruits de pas se firent entendre, tirant la future maman de sa rêvrie qui ne put s’empêcher de chercher des yeux l’intrus.

[ Topic Libre n_n Un courageux?]

[ Allez, j'arrive :p ]

Will venait de recevoir un coup de fil de son frère. Cela faisait maintenant un petit moment qu'il était arrivé au pensionnat, et n'avait donné aucune nouvelle à sa famille. A quoi bon ? S'il avait décidé de les abandonner il y a un an de cela, pourquoi se soucierait-il de lui ?
Bien sûr, sa mère était venue témoigner au procès de Will. Le jeune homme, après une bagarre assez violente avec son patron du moment, l'avait grièvement blessé à la tête. Pourtant, son patron mal-intentionné s'en était sorti, et en plus il avait collé un procès à Will qui n'avait fait que se défendre. Sa mère était venue témoigner, pour dire que Will n'avait jamais été un enfant violent et qu'il avait du avoir de très bonnes raisons pour avoir fait cela à son patron. Ce qui était le cas, mais ça n'a pas suffi au juge qui l'a tout de même envoyé dans ce pensionnat. Il aurait été tenté de dire "ce fichu pensionnat", mais... D'un côté, il pouvait remercier la Vie. Grâce à ce pensionnat, il avait pu rencontrer Maria.

Son frère avait donc passé un coup de fil pour avoir de ses nouvelles. Mais la conversation s'était rapidement envenimée. Will n'avait plus envie d'entendre parler de sa famille et il l'avait clairement fait comprendre à son frère, qui n'avait naturellement pas apprécié. Les raisons du conflit entre les deux frères étaient nombreuses, et ce conflit était encore plus envenimé par les non-dits. Après que son frère lui ait annoncé que son patron était un peu mal en point, surement à cause de la blessure que Will lui avait infligé,Will avait fini par raccrocher au nez de son frère, puis avait marché dans les couloirs, se dirigeant sans y prêter attention vers le quartier des élèves. Il n'avait aucune idée de l'heure qu'il était. Il aurait pu rester calmement dans sa chambre avec ses colocataires, ou il aurait pu rejoindre Maria... Mais il n'en avait pas eu l'envie. Tout ce dont Will avait envie, c'était de solitude.

Il ouvrit la porte du quartier des élèves, qui était presque vide. "Presque", car à l'intérieur se trouvait une jeune femme, devant la fenetre. Elle avait du remarquer la présence de Will puisqu'elle semblait le chercher des yeux. Quand leurs deux regards se rencontrèrent, il se contenta d'un léger signe de tête en guise de bonjour, accompagné d'un petit "salut". Il craignait que son énervement se sente dans sa voix, alors il préférait ne pas trop étendre la conversation.

Il se dirigea vers un des canapés, et s'assit. Il portait le même genre de vêtements qu'à son habitude, tous très amples. Un jean baggy bleu foncé, et un long tee shirt blanc avec quelques écritures en anglais dessus. Ses dreads étaient coincées dans sa casquette qui attirait souvent les regards. Will ne pensait pas à son frère, mais il songeait plus particulièrement à son patron. S'il était de nouveau "mal en point", et que l'on remettait la faute sur Will...

*Rah, j'espère que ce c*n va survivre... Qu'ils ne me collent pas une fausse étiquette de meurtrier... J'veux pas aller en prison à cause de lui.*

Après l'énervement, c'était maintenant de l'affligement que l'on pouvait lire sur le visage du jeune homme. Il regarda une nouvelle fois la jeune fille, espérant que sa présence ne la dérangeait pas trop. Il remarqua qu'elle était enceinte mais ne s'attarda pas là-dessus. Il tourna à nouveau son regard devant lui, posant sa tête entre ses mains, les coudes appuyés sur ses genoux.

La jeune femme ne semblait pas trop prêter attention à Will, son regard était porté sur la fenetre. Elle semblait songeuse, mais Will préférait ça. Il avait besoin de faire le point, s'il ne voulait pas craquer. Il savait qu'il se passait quelque chose de fâcheux du côté de son ancien patron, et il savait aussi qu'il serait menacé d'emprisonnement si il venait à mourir. Will serait surement porté responsable de sa mort, indirectement. Et cela enrageait le jeune homme. A présent qu'il avait rencontré Maria, il ne voulait plus quitter cet établissement et ne supporterait pas d'etre emmené de force loin d'elle. C'était difficile à dire, mais il en était presque dépendant. Elle lui donnait une raison de vivre, une raison de se battre.

Il se prit à penser que si son frère n'avait pas quitté son propre pensionnat, c'était surement pour une raison similaire à celle de Will. Mais ça lui faisait de la peine de se rendre compte qu'il ne lui en avait jamais parlé. Eux qui avaient été si complices, qui avaient tout partagé, pourquoi est ce que son frère ne lui aurait rien dévoilé ? Ca ne lui ressemblait pas. Il ne comprenait pas, et cette situation embarassante l'énervait au plus haut point.

Il fut sorti de ses pensées par la voix de la jeune femme dont il avait presque fini d'oublier la présence. Elle lui demanda s'il avait une cigarette. Son ton avait été un peu froid ce que Will trouva assez bizarre. Il la regarda, elle venait de fermer les yeux et elle ajouta quelque chose en une langue qu'il ne comprenait pas, certainement du japonais ou quelque chose comme ça. Il comprit à l'air sur son visage que ça ressemblait à un "s'il te plait". Il hocha la tête en signe d'affirmation et s'enfonça un peu dans le canapé pour fouiller dans sa poche. Il en retira un paquet de Camel qu'il tendit à la jeune femme.

"Sers toi."

Will aurait pu employer le même ton sec qu'elle mais il n'en voyait pas vraiment l'utilité. Will était bien tout sauf méchant et l'aggressivité ne lui ressemblait pas vraiment. Même si certains contacts qu'il avait dans ce pensionnat pouvaient ne pas être brillants, il n'avait pas de raison particulière pour s'énerver. Il se prenait déjà assez la tête avec ses propres problèmes pour venir en rajouter là-dessus.

Après qu'elle ait pris une cigarette, Will reprit le paquet et alla le remettre dans sa poche quand il se ravisa. Il eut une soudaine envie de s'en griller une, lui aussi. Il jeta un regard vers le ventre bien arrondi de la jeune femme. Celle-ci ne devrait pas fumer, mais ce n'était pas son problème... Will n'aurait surement pas fumé en sa présence si elle-même ne l'avait pas fait... Mais, justement, puisqu'elle se permettait de fumer même si elle était enceinte.. Il ne voyait pas pourquoi est ce qu'il se priverait.

Il sortit une cigarette à son tour et prit son briquet noir, l'alluma d'un geste habituel avant de remettre le briquet et le paquet dans sa poche. Il tira sur sa cigarette avant de relever les yeux vers la jeune femme. Peut etre qu'il devait se présenter ? C'était ce qu'on lui avait appris à faire dans toute situation semblable.

"Je m'appelle Will."

Rine était littéralement aspirée par ses pensées, et c’était comme si tout ce qui l’entourait avait disparu… Le décor de cette vie était devenue une infinité de noire, et le jeune homme lui-même semblait s’être installé à des années lumière de l’endroit où elle se trouvait. Comme elle aurait aimé être encore quelques mois auparavant, blottie dans les bras de celui à qui elle murmurait pour la première fois de sa vie « je t’aime »… Cette expression qui avant leur rencontre n’avait jamais rien signifié pour elle et qu’elle avait eu tant de mal à admettre, à se rendre compte que ce qui la faisait ressentir tout cela se nommait amour…

Mais aujourd’hui, c’était finit, et il fallait qu’elle s’en détache ! Et malgré le fait qu’elle joue la forte tête comme toujours, que la jeune femme mime une assurance et une force qu’elle ne possédait que grâce à son orgueilleuse fierté , elle se sentait affreusement seule sans lui à ses côté. Et même si sa petite sœur et Lyria étaient là pour elle, cela n’avait rien à voir.

Mais il était trop tard pour songer à tout cela, Rine devait laisser le passé derrière elle et aller de l’avant, elle allait être mère et c’était tout ce qui comptait à présent… N’est-ce pas ? Bon sang, elle aurait tant aimé l’entendre lui lancer un de ces horribles phrases blessantes de vérité à laquelle elle aurait pu lui répliquer d’autres mots cyniques juste pour faire passer son manque de lui.

Ces souvenirs qui lui collaient à la peau sans jamais semblait-il vouloir lui rendre la paix de l’âme commençait sérieusement à l’agacer et elle aurait tout donner pour pouvoir tenir une cigarette entre ses doigts. Par bonheur, quelqu’un se trouvait là et elle fit l’immense effort de demander poliment l’objet de son désir. Lorsqu’il hocha simplement la tête, la jeune nipponne entreprit de franchir d’un pas rapide les quelques mètres qui les séparaient encore.

« Merci… »

Fit-elle à vois basse en se saisissant d’une de ces petites bombes à retardement bourrée de nicotine et d’autre substance tout aussi néfaste. (En gros fumer= pas bien !) Bien que le visage de la jeune femme n’ait pas démontrer la moindre expression elle n’en était pas moins étonné de voir un pensionnaire répondre sans employer un ton froid ou agressif. Ici, les insultes et les bagarres étaient de monnaies courantes et il suffisait d’un regard un peu trop orgueilleux pour attiser la colère de quelqu’un.

Quelle puérilité ! Et dire qu’elle avait longtemps été comme cela, qu’elle l’aurait sûrement été pendant encore de nombreuses années si elle n’était pas tombée enceinte, et qu’elle n’avait pas été forcée de se remettre en question. Mais qu’importait, à être gentil on se faisait écraser, et cela elle savait pertinemment, seulement voilà, au bout d’un peu plus d’un an passé dans ce pensionnat, la jeune femme avait acquis une certaine réputation et peu osait l’approcher.

Tant mieux, ainsi, on lui fichait la paix et elle ne demandait pas mieux que cela ! D’un geste calme, elle fouilla dans la poche de sa veste pour en tirer un briquet qui ne la quittait jamais malgré le fait qu’elle ait du abandonner l’idée de garder un paquet de cigarette sur elle, et alluma la cigarette. La première bouffée fut exquise à ses yeux… Depuis combien de temps, elle n’avait pas eut ce geste ? Au moins deux semaines, deux longues semaines, et cinq mois déjà durant lesquels elle avait évité au maximum de fumer.

Pourquoi se priver d’une telle chose ? Tout simplement parce que c’était néfaste pour les deux petites choses qui grandissaient dans son ventre… Enfin, une fois de temps en temps, ça ne devaient pas être trop dangereux n’est ce pas ? D’un geste toujours aussi assurée, elle se laissa tomber sur un des fauteuils non loin du jeune homme et croisa ses longues jambes.

Dans un premier temps son but n’avait pas été de discuter avec cet intrus qui était venu envahir son espace vitale (désolée, c’est elle qui pense ça hein ? XD), mais finalement, autant occuper son insomnie comme elle la pouvait. Lorsqu’il se présenta, elle ne sourit pas, non pas que Rine désirait se montrer froide ou quoi que ce soit, simplement il fallait le dire, avait-elle perdu cette habitude.

« Suki… »

Lâcha-t-elle simplement, d’une voix neutre. Pourquoi ne pas donner son prénom ? Elle l’ignorait, une vieille habitude sans aucun doute, un léger sourire aux lèvres, elle ne pu s’empêcher d’ajouter doucement :

« Ou Satan pour les intimes… Hey t’es là depuis longtemps ? »