Lies of an angel

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"Premier septembre 1932.

C'est une belle journée, magnifique, calme, qui s’achève sur la Lorraine ensoleillée de cette fin d'été, de ce début d'automne. Finalement, on ne pense pas à ce qui pourrait arriver de mal; en effet, il fait si bon, il fait si doux...
Deux soldats de la guerre précédente parlent. Touts deux ont été blessés, tous deux ont perdu quelques membres - l'un le bras, l'autre la jambe. Ils discutent simplement, ils discutent du bon temps, de la guerre, de leurs tranchées. Que pourrait-il arriver de mal? Rien, non, vraiment rien.
Je suis assis au balcon de ma demeure - elle n'est pas à moi, en fait, elle appartient à quelque paysan, qui, pour deux sous de cuivre, me l'aura louée en attendant la rénovation finie. C'est devant moi que s'activent quelques travailleurs, l’école sera achevée bientôt. On me dit que dans sept ans, elle sera finie, elle sera belle - mais je ne pense pas, je pense que ça sera plus tôt. Dans cinq ans, elle sera vivable, elle pourra déjà accueillir quelques élèves. Il ne pourrait rien arriver d'ici là, non rien. Rien ne pourrait contrarier mon projet.
Tu le sais bien, jamais je ne laisserai ce projet être réduit en cendres, pour toi."

"Dix mai 1940.

La Pologne est envahie. La France est envahie. Le château est censé être presque rénové. Nous sommes au delà de la ligne Maginot, les allemands ont détruit le village. Seul le château leur résiste encore, mais je crois qu'ils ne mettront pas tellement de temps à le mettre en pièce. Je me sens mal, je me sens seul: mon rêve part en éclats... Ils vont bombarder le château demain, et nous fusiller l'heure d'après. Nous aurions dû coopérer. Maintenant, ils vont tout briser, nos maisons, nos rêves... et nos vies. C'en est fini de moi, il n'y a pas de quoi se lamenter plus que ça, c'est le château qui me fait pleurer. Oui, tout ce rêve, que j'avais bâti pour toi, tout ce rêve, il n'aura pas lieu... Les droits du terrain sont à toi, comme le château, comme tout ce que j'ai. [...] Voila, ma lettre est finie. Je vais mourir.

Je t'aime à jamais, et j'emporte cela dans ma tombe."

***

Voila, c'est lu. Ce sont les dernières lettres que j'ai de lui, les deux dernières: entre les deux, il n'a pas pu m'écrire. Il ne l'a pas fait trop souvent, je venais le voir en fait. Maintenant vous comprenez tout... C'est à ma fille d'en hériter, à son tour. Je lui lègue ce château, qui ne m'a apporté que des malheurs. Qu'elle déchire les papiers, qu'elle les fasse brûler. C'est dit, à mon tour je le lègue en me sachant au bord de la mort. C'est dit, moi aussi je me meurs pour une faute que je n'ai pas commise. Voila, maintenant, emmenez-moi, tuez-moi, vous mourrez, avec la mort d'une innocente sur la conscience. Et ma fille, brûle donc ces papiers. Le verdict est clair. Je ne le retarderai pas, emmenez-moi sur l'heure.

***

Sous la pluie battante, une jeune fille pleure, assise sur les grandes marches du Tribunal. Cette fois, elle n'a plus de famille, plus de foyer, plus d'envie, plus rien. C'est un triste Noël que ce Noël de 1952. Une cigarette à la main, la jeune fille pleure encore. Il n'y a qu'elle qui sait, maintenant, et tous les autres se trompent... Les derniers mots de sa mère, morte maintenant, lui reviennent à l'esprit. Elle relève la tête, laisse tomber sa cigarette, un rougeoiement qui s'éteint dans l’eau, des cendres s’envolent... Il faut se changer les idées.

***

Des générations se sont écoulées. En 1952, un château bombardé par les raids allemands sur la frontière française est légué à une enfant pas même majeure qui n’a que faire de cette ruine encore blindée d’obus qui explosent aujourd’hui quand un animal errant vient par malheur s’aventurer dans l’enceinte de la propriété ancestrale. Cette jeune femme le prêtera à des trafiquants qui en feront une usine à artillerie lourde pour fournir les guérillas et entachera à jamais le sang noble qui coule dans ses veines, pour un peu d’argent.
Le site détruit se retrouve reconverti d’école de la vie à école de la mort, lieu où l’on modelait les cerveaux pour élever les esprits, où l’on fabrique maintenant des machines à éradiquer des populations.

Quinze ans passent, le lieu paisible et caché est découvert par les forces de l’ordre. Une terrible bataille éclate est se finie par l’arrestation sanglante de toute la toile des trafiquants. Les lieux sont bouclés, les portails scellés à l’aide de grandes chaînes et de cadenas plus qu'imposants et plus personne ne s’occupera du château, abandonné durant 35 ans. Pendant 35 longues années, la poussière et les mauvaises herbes se sont répandues, la forêt est devenue sauvage, autant pour la faune que la flore et le cimetière de l’ancien village en ruine s’est écroulé sous le temps et le manque d’entretien.

Cette femme, responsable de la déchéance des lieux? C’était ma grand-mère. La différence d’âge vous choque? Certes, il n’y a pas excessivement d’années qui nous séparent, mais après tout, c’était une putain, et le job est passé par le sang, refilé de mère en fille, comme le sida qui a eut raison d’elle et de ma mère. Chacune a pondu ses marmots très jeune et a clamsé peu après. Moi je suis une rescapée de la lignée, voire la seule à miraculeusement ne pas avoir été atteinte de la maladie. Et je n’ai pas non plus été touchée par la frénésie de la prostitution…Peut-être celle du libertinage? Bref, mon nom, il est compliqué, celui d’une noble…Que d’honneurs… J’arrive même pas à le prononcer…Emily de Vavel... J’arrive pas à me le trimballer…Peut-être parce que je suis toujours trop défoncée pour m’en souvenir…Alors appelez-moi Toxic.

J’ai reçu ces papiers comme quoi j’héritais d’une propriété à la mort de ma mère. J’en avais entendu parler, un vaste lopin de terre rongé par la végétation, et plutôt explosif, mais par chance, pas radioactif. Le pompon. J’avais eu ouïe de ce vieux château qui ne ressemblait même plus à ça, et je l’ai laissé pourrir, parce que je n’en avais rien à foutre, et puis quand j’ai su qu’il m’appartenait, et que de toute façon je n’avais plus de foyer, j’ai décidé d’aller tâter la marchandise avec ma propre rétine. Et j’ai bien regretté de m’en être tamponné le coquillard pendant des années alors que cette merveille m’attendait… Merveille à mes yeux, mais ils ne voient certainement pas comme ceux des autres.

Avec une bande plutôt imposante, on l’a squatté pendant 4 ans, le rendant plus ou moins vivable. Ce n’était pas une ruine à proprement dit, même si certaines pièces ravagées ne possédaient plus de murs… Mais les bombardements, ça pardonnent pas, non? Alors on a ramené tout ce qu’on pouvait, pour qu'il soit plus chaleureux. On a fouillé les casses et cambriolé quelques maisons isolées, mais pour avoir servi de QG d'une mini mafia allemande, le mastodonte se devait d'être équipé, et ils ont tout laissé sur place. Les meubles disparaissaient sous la poussière, on ne voyait plus au travers des vitres -lorsqu'il y en avait encore- et l'air devenait irréspirable dès qu'on frôlait un fauteuil, mais pour finir, l’endroit est devenu chouette, bien que sinistre, lugubre, insalubre, sale, délabré et relativement…aéré.

J'ai renfermé entre ces "quatres murs" mon plus magnifique secret, que seule ma meilleure amie, mon bras droit, ne connaissait. Dans les sous-sols se trouvaient une succession de pièces encore en état, si on considérait que le reste était plutôt pas mal. On y a découvert pas mal de joujous sordides et rouillés, cassés, qui allaient du fouet à la maul en passant par le ring et l'épée à deux mains, mais il y avait plus épineux... Le plus amusant, c'est que sur toutes les pièces, trois en particulier se trouvaient alignées et possédaient pour seul mobilier des cages. Dans chaque salle se trouvait une immense cage de métal aux barreaux rouillés bien assez grande pour contenir beaucoup d'humains. Et les traces sombres et sèches sur les murs laissaient facilement deviner ce qu'il s'était déroulé ici une trentaine d'années auparavant. Quelle bonne idée ce fut que de poursuivre les orgies que grand-maman avait permises en ces lieux...

Révélant un peu plus tard la vérité au groupe, nous, les filles, avont joué aux prostituées pour ramener des mecs, les enfermer dans les cages et les forcer à se battre. C’était fun, violent, sanglant, voire mortel, et les gens y ont pris goût, revenaient d’eux-mêmes, se sont passé le mot, et de bouche à oreille, mon château s’est fait connaître.
Ceux qui veulent se battre ou parier sont les bienvenus, ceux qui déplaisent à la Grande Maîtresse des lieux ou déshonorent le règlement se voient jetés dans la cage aux lions, à moins qu’ils n’aient été battus à mort par les fanatiques avant. Ce jeu est devenu vraiment amusant…

Et vous? Votre vie morne et monotone va-t-elle vous conduire à vous battre pour faire mal, pour survivre, juste pour être sûr que vous êtes toujours vivants? Ou alors seriez-vous sado, ou tout simplement assez maso pour vous jeter dans la gueule du loup afin d’émoustiller notre plaisir et notre délectation à vous contempler vous entre-tuer comme des bêtes en cage? Si vous avez des couilles (les femmes, on se comprend), venez oser mettre à l’épreuve vos plus bas instincts… Après tout, nous sommes tous des animaux…